Rumpelstilzchen
Frères Grimm

Rumpelstilzchen

Frères Grimm
4 min

Au bord d’un bois, dans un pays lointain, coulait un beau ruisseau ; et sur ce ruisseau se trouvait un moulin. La maison du meunier était tout près, et le meunier avait une très belle fille, en plus d’être très maligne et intelligente. Le meunier était si fier d’elle qu’un jour, il raconta au roi, qui venait chasser dans la forêt, que sa fille pouvait filer de l’or à partir de la paille. Or, ce roi aimait beaucoup l’argent ; et en entendant la vantardise du meunier, sa cupidité s’éveilla, et il fit venir la jeune fille devant lui. Il la conduisit dans une chambre de son palais où se trouvait un grand tas de paille, lui donna un rouet et dit : « Tout cela doit être filé en or avant demain matin, si tu tiens à la vie. » En vain la pauvre jeune fille expliqua que ce n’était qu’une sotte vantardise de son père, qu’elle ne savait pas filer la paille en or : la porte fut verrouillée, et elle resta seule.

Elle s’assit dans un coin de la pièce et se mit à pleurer son triste sort ; quand soudain la porte s’ouvrit et un petit homme étrange entra en clopinant : « Bonjour, ma jolie, pourquoi pleures-tu ? » « Hélas ! Je dois filer cette paille en or, et je ne sais pas comment faire. » « Que me donneras-tu, » dit le lutin, « si je le fais pour toi ? » « Mon collier, » répondit la jeune fille. Il accepta, s’assit au rouet et se mit à siffler et chanter :

« Tourne, tourne, va, va, Regarde donc ! File, file, paille en or ! »

Et le rouet tourna joyeusement ; le travail fut vite fait, et toute la paille fut filée en or.

Quand le roi vit cela, il fut très étonné et ravi ; mais son cœur devint encore plus avide, et il enferma de nouveau la fille du meunier avec une nouvelle tâche. Elle ne savait que faire et se remit à pleurer ; mais le nain ouvrit bientôt la porte et dit : « Que me donneras-tu pour faire ton travail ? » « La bague à mon doigt, » dit-elle. Le petit homme prit la bague, se remit au rouet et chanta :

« Tourne, tourne, va, va, Regarde donc ! File, file, paille en or ! »

Avant l’aube, tout était de nouveau filé.

Le roi fut ravi de voir tout ce trésor, mais il n’en avait pas assez : il conduisit la fille du meunier devant un tas encore plus grand et dit : « Tout cela doit être filé cette nuit ; si tu y parviens, tu deviendras ma reine. » Dès qu’elle fut seule, le nain revint : « Que me donneras-tu pour que je file l’or pour toi une troisième fois ? » « Je n’ai plus rien, » dit-elle. « Alors promets-moi, » dit le petit homme, « de me donner ton premier enfant quand tu seras reine. » « Cela n’arrivera peut-être jamais, » pensa la jeune fille ; mais n’ayant pas d’autre solution, elle accepta. Le rouet tourna encore au vieux refrain, et le nain transforma la paille en or. Le roi, trouvant tout ce qu’il voulait, tint parole : il épousa la fille du meunier, qui devint reine.

À la naissance de son premier enfant, la reine était très heureuse et avait oublié le nain et sa promesse. Mais un jour, il entra dans sa chambre alors qu’elle jouait avec son bébé, et la lui rappela. Elle se désola, lui offrit toutes les richesses du royaume s’il la libérait, mais en vain ; jusqu’à ce que ses larmes l’attendrissent, et il dit : « Je te laisse trois jours : si tu découvres mon nom, tu garderas ton enfant. »

La reine passa la nuit à réfléchir à tous les noms étranges qu’elle connaissait, et envoya des messagers en chercher d’autres. Le lendemain, le petit homme vint, et elle commença par TIMOTHÉE, ICHABOD, BENJAMIN, JÉRÉMIE, et tous les noms qu’elle put trouver ; mais à chacun il répondit : « Madame, ce n’est pas mon nom. »

Le deuxième jour, elle essaya tous les noms bizarres qu’elle entendit : JAMBES-TORDUES, BOSSE, CROCHE-PIEDS, etc. ; mais le petit homme répondit toujours : « Madame, ce n’est pas mon nom. »

Le troisième jour, un messager revint : « J’ai cherché partout sans rien trouver, mais hier, en gravissant une colline, dans la forêt où le renard et le lièvre se disent bonne nuit, j’ai vu une petite cabane ; devant brûlait un feu, et autour dansait un drôle de nain sur une jambe, chantant :

« Aujourd’hui je brasse, demain je cuis, Je danserai, je chanterai, Car après-demain on m’apportera un étranger. Ma dame ne devine pas Que Rumpelstilzchen est mon nom ! »

En entendant cela, la reine sauta de joie, et quand le petit homme revint, elle s’assit sur son trône, appela toute la cour pour assister à la scène, et la nourrice se tint à ses côtés avec le bébé, comme si elle allait le donner. Le nain, tout joyeux à l’idée d’emmener l’enfant, s’écria : « Alors, madame, quel est mon nom ? » « Est-ce JEAN ? » demanda-t-elle. « Non, madame ! » « Est-ce TOM ? » « Non, madame ! » « Est-ce JACQUES ? » « Non plus. » « Ton nom ne serait-il pas RUMPELSTILZCHEN ? » dit-elle malicieusement. « Quelqu’un te l’a dit ! Quelqu’un te l’a dit ! » cria le petit homme, et dans sa rage, il enfonça si fort son pied dans le sol qu’il dut s’y prendre à deux mains pour le retirer.

Il s’enfuit alors, tandis que la nourrice riait, le bébé gazouillait, et toute la cour se moquait de lui pour tant d’efforts inutiles, en disant : « Bonne journée et bon festin, monsieur RUMPELSTILZCHEN ! »

La fin

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