Le Petit Chaperon Rouge
Frères Grimm

Le Petit Chaperon Rouge

Frères Grimm
5 min

Il était une fois une gentille petite fille que tout le monde aimait, mais surtout sa grand-mère, qui lui aurait tout donné. Un jour, elle lui offrit un petit capuchon de velours rouge qui lui allait si bien qu’elle ne voulut plus rien porter d’autre ; on l’appela donc toujours « Petit Chaperon Rouge ».

Un jour, sa mère lui dit : « Viens, Petit Chaperon Rouge, voici un morceau de gâteau et une bouteille de vin ; porte-les à ta grand-mère qui est malade et faible, cela lui fera du bien. Pars avant qu’il ne fasse trop chaud, marche bien sagement et ne quitte pas le chemin, sinon tu pourrais tomber et casser la bouteille, et ta grand-mère n’aurait rien. Et quand tu entreras dans sa chambre, n’oublie pas de dire “Bonjour” et ne regarde pas dans tous les coins avant de le faire. »

« Je ferai bien attention », promit le Petit Chaperon Rouge à sa mère, et lui donna la main.

La grand-mère habitait dans la forêt, à une demi-lieue du village, et à peine le Petit Chaperon Rouge entra-t-elle dans le bois qu’un loup la rencontra. Elle ne savait pas quel animal méchant c’était et n’en avait pas peur.

« Bonjour, Petit Chaperon Rouge », dit-il.

« Merci, loup. »

« Où vas-tu si tôt, Petit Chaperon Rouge ? »

« Chez ma grand-mère. »

« Qu’as-tu dans ton tablier ? »

« Du gâteau et du vin ; hier, c’était jour de cuisson, alors la pauvre grand-mère malade aura quelque chose de bon pour se fortifier. »

« Où habite ta grand-mère, Petit Chaperon Rouge ? »

« Encore un bon quart de lieue plus loin dans la forêt ; sa maison est sous les trois grands chênes, juste en dessous des noisetiers ; tu dois sûrement la connaître », répondit le Petit Chaperon Rouge.

Le loup pensa : « Quelle tendre créature ! Quel bon petit morceau — elle sera meilleure à manger que la vieille. Je dois agir astucieusement pour attraper les deux. » Il marcha un moment à côté du Petit Chaperon Rouge, puis dit : « Vois comme les fleurs sont jolies ici — pourquoi ne regardes-tu pas autour de toi ? J’entends aussi les petits oiseaux chanter si joliment ; tu marches sérieusement comme si tu allais à l’école, alors que tout ici dans la forêt est joyeux. »

Le Petit Chaperon Rouge leva les yeux, et voyant les rayons du soleil danser à travers les arbres et les jolies fleurs pousser partout, elle pensa : « Si j’apportais à ma grand-mère un bouquet frais, cela lui ferait plaisir aussi. Il est encore tôt, j’arriverai à temps. » Elle quitta donc le chemin pour cueillir des fleurs. Chaque fois qu’elle en ramassait une, elle en voyait une plus belle plus loin, et s’enfonçait de plus en plus dans la forêt.

Pendant ce temps, le loup courut droit à la maison de la grand-mère et frappa à la porte.

« Qui est là ? »

« Petit Chaperon Rouge », répondit le loup. « J’apporte du gâteau et du vin ; ouvre la porte. »

« Soulève le loquet », cria la grand-mère, « je suis trop faible et ne peux pas me lever. »

Le loup souleva le loquet, la porte s’ouvrit, et sans dire un mot, il alla droit au lit de la grand-mère et la dévora. Puis il mit ses vêtements, enfila sa coiffe, se coucha dans le lit et tira les rideaux.

Le Petit Chaperon Rouge, après avoir cueilli tant de fleurs qu’elle ne pouvait plus en porter, se souvint de sa grand-mère et se remit en route.

Elle fut surprise de trouver la porte de la chaumière ouverte, et en entrant, elle eut un drôle de pressentiment : « Mon Dieu ! comme je me sens mal à l’aise aujourd’hui, alors qu’en temps normal j’aime tant être chez grand-mère. » Elle appela : « Bonjour », mais ne reçut pas de réponse ; elle alla au lit et tira les rideaux. Là, sa grand-mère était couchée, la coiffe tirée sur le visage, et elle avait l’air bien étrange.

« Oh ! grand-mère, que vous avez de grandes oreilles ! »

« C’est pour mieux t’entendre, mon enfant. »

« Mais, grand-mère, que vous avez de grands yeux ! »

« C’est pour mieux te voir, ma chérie. »

« Mais, grand-mère, que vous avez de grandes mains ! »

« C’est pour mieux t’embrasser. »

« Oh ! mais, grand-mère, que vous avez une grande bouche ! »

« C’est pour mieux te manger ! »

À peine le loup eut-il dit cela, qu’il bondit hors du lit et avala le Petit Chaperon Rouge.

Quand le loup fut rassasié, il se recoucha, s’endormit et se mit à ronfler très fort. Un chasseur passait justement devant la maison et pensa : « Comme la vieille femme ronfle ! Je vais voir si elle a besoin de quelque chose. » Il entra, et en s’approchant du lit, il vit que c’était le loup qui y était couché. « Te voilà donc, vieux brigand ! » dit-il. « Je te cherchais depuis longtemps ! » Il allait tirer, mais il pensa que le loup avait peut-être dévoré la grand-mère et qu’elle pouvait encore être sauvée. Il ne tira donc pas, mais prit des ciseaux et commença à ouvrir le ventre du loup endormi. Après deux coups de ciseaux, il vit briller le Petit Chaperon Rouge, puis encore deux coups, et la petite fille sauta dehors en s’écriant : « Ah, comme j’ai eu peur ! Comme il faisait sombre dans le ventre du loup ! » Ensuite, la vieille grand-mère sortit aussi, mais à peine pouvait-elle respirer. Le Petit Chaperon Rouge alla vite chercher de grosses pierres avec lesquelles ils remplirent le ventre du loup. Quand il se réveilla, il voulut s’enfuir, mais les pierres étaient si lourdes qu’il s’effondra et mourut sur place.

Les trois étaient ravis. Le chasseur prit la peau du loup et rentra chez lui ; la grand-mère mangea le gâteau et but le vin apportés par le Petit Chaperon Rouge, et reprit des forces. Mais le Petit Chaperon Rouge se dit : « Tant que je vivrai, je ne quitterai jamais le chemin toute seule, quand maman me l’aura interdit. »

On raconte aussi qu’un jour, alors que le Petit Chaperon Rouge portait encore des gâteaux à sa grand-mère, un autre loup lui parla et essaya de la détourner du chemin. Mais elle resta sur ses gardes, alla droit chez sa grand-mère et lui raconta qu’elle avait rencontré le loup, qui lui avait dit “bonjour” d’un air si méchant que, s’ils n’avaient pas été sur la route, il l’aurait sûrement mangée. « Eh bien, dit la grand-mère, fermons la porte pour qu’il n’entre pas. » Peu après, le loup frappa et cria : « Ouvre la porte, grand-mère, c’est le Petit Chaperon Rouge, je t’apporte des gâteaux. » Mais elles ne répondirent pas et n’ouvrirent pas la porte. Le vieux barbu fit alors plusieurs fois le tour de la maison, puis grimpa sur le toit, voulant attendre que le Petit Chaperon Rouge reparte le soir pour la suivre et la dévorer dans l’obscurité. Mais la grand-mère comprit ses intentions. Devant la maison se trouvait une grande auge de pierre ; elle dit à l’enfant : « Prends le seau, Petit Chaperon Rouge ; j’ai fait des saucisses hier, alors porte l’eau dans laquelle je les ai cuites à l’auge. » Le Petit Chaperon Rouge porta de l’eau jusqu’à ce que l’auge soit pleine. L’odeur des saucisses attira le loup, qui renifla, se pencha, et finit par glisser du toit droit dans l’auge, où il se noya. Le Petit Chaperon Rouge rentra joyeusement chez elle, et plus jamais personne ne lui fit de mal.

La fin

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