Le Petit Bonhomme en Pain d’Épices
George Haven Putnam

Le Petit Bonhomme en Pain d’Épices

George Haven Putnam
4 min

Un jour, la cuisinière entra dans la cuisine pour préparer du pain d’épices. Elle prit de la farine, de l’eau, de la mélasse et du gingembre, mélangea le tout, ajouta encore un peu d’eau pour rendre la pâte plus fluide, puis de la farine pour l’épaissir, un peu de sel et des épices. Elle étala la pâte en une belle abaisse lisse et jaune foncé.

Elle découpa des gâteaux carrés pour les garçons, des gâteaux ronds pour les filles, puis dit : « Je vais faire un petit bonhomme en pain d’épices pour le petit Bobby. » Elle fit une boule pour le corps, une plus petite pour la tête, qu’elle étira un peu pour le cou. Deux autres morceaux furent collés dessous pour les jambes, façonnés avec pieds et orteils, et deux plus petits pour les bras, avec de petites mains et doigts.

Mais le plus joli travail fut pour la tête : elle coiffa le dessus d’un joli chapeau sucré, fit deux petites oreilles, un nez bien modelé, une belle bouche en raisin sec, et deux yeux brillants avec des amandes grillées et des graines de carvi.

Le bonhomme était prêt à cuire, et il avait l’air si malin que la cuisinière craignit qu’il ne prépare quelque bêtise. Quand tout fut prêt, elle mit les gâteaux carrés, les ronds, et le petit bonhomme dans un coin du four, bien au fond pour qu’il ne s’échappe pas.

Elle monta balayer le salon, balaya, balaya, jusqu’à ce que l’horloge sonne midi. Elle laissa tomber son balai : « Oh là là ! le pain d’épices va brûler ! » Elle descendit en courant, ouvrit la porte du four. Les gâteaux carrés étaient cuits, les ronds aussi, et le bonhomme aussi, bien doré. Il se tenait debout dans son coin, les yeux pétillants, la bouche pleine de malice, attendant qu’on ouvre la porte. Dès qu’elle fut ouverte, hop ! il sauta par-dessus les gâteaux et le bras de la cuisinière, et avant qu’elle ait pu dire « ouf », il courait déjà vers la porte du jardin, grande ouverte.

La vieille cuisinière se retourna aussi vite qu’elle put, ce qui n’était pas très rapide, car elle était lourde et surprise. Elle vit, allongé devant la porte, endormi au soleil, le vieux chat Mouser.

« Mouser, Mouser, arrête le bonhomme ! Je le veux pour Bobby ! » Mouser crut d’abord qu’on l’appelait dans son rêve et se retourna paresseusement. La cuisinière cria encore, « Mouser, Mouser ! » Le chat bondit, mais juste au moment où il se retournait, le bonhomme passa sous sa queue et fila dans l’allée. Mouser se lança à sa poursuite, encore à moitié endormi, et la cuisinière suivit, haletante mais rapide.

Au bout de l’allée, endormi contre le mur, il y avait Towser, le chien.

« Towser, Towser, arrête le bonhomme ! Je le veux pour Bobby ! »

Towser crut d’abord qu’on l’appelait dans son rêve, se retourna, puis la cuisinière cria encore. Le chien se leva, mais le bonhomme, qui guettait, passa entre ses pattes, grimpa sur le mur, si bien que Towser ne vit que le chat et la cuisinière arriver.

Il pensa que le chat avait volé quelque chose et se lança à sa poursuite. Il fonça si fort que le pauvre chat n’eut pas le temps de s’arrêter, et ils se heurtèrent dans un grand vacarme de feu d’artifice.

La cuisinière, courant trop vite, ne put s’arrêter non plus et tomba sur le chien et le chat, tous trois roulèrent ensemble.

Le chat griffa tout ce qui passait, le chien mordit tout ce qu’il pouvait, et la pauvre cuisinière fut bien malmenée.

Pendant ce temps, le bonhomme était monté sur le mur, les mains dans les poches, riant à en pleurer.

Bientôt, le chat se dégagea, tout ébouriffé, et retourna à la cuisine. Le chien, furieux, lâcha la cuisinière, aperçut le bonhomme et fonça sur le mur. La cuisinière, le visage griffé, la robe déchirée, suivit plus lentement.

Voyant le chien arriver, le bonhomme sauta de l’autre côté du mur et courut dans le champ. Au pied d’un arbre dormait Jocko, le singe. Il n’était pas endormi, les singes ne dorment jamais vraiment. Voyant le bonhomme courir et entendant la cuisinière crier, il bondit… mais il sauta si loin qu’il atterrit sur le dos du chien, qui venait de franchir le mur. Surpris, le chien mordit la queue du singe, qui sauta aussitôt en criant.

Le bonhomme arriva au pied de l’arbre : « Le chien ne grimpe pas, la cuisinière non plus, mais le singe ? Je monte ! »

Il grimpa jusqu’à la plus haute branche. Mais le singe, d’un bond, le rejoignit. Le bonhomme s’accrocha à l’extrémité, mais le singe l’attrapa et le regarda si avidement que la bouche en raisin sec se mit à trembler et les yeux à pleurer.

Et que se passa-t-il ? Bobby arriva en courant. Il avait rêvé qu’on l’appelait, se réveilla, descendit sans mettre ses chaussures, vit par la fenêtre la cuisinière, le chien, le singe, et entendit leurs cris. Il franchit le mur, arriva sous l’arbre juste au moment où Jocko tenait le bonhomme.

« Lâche-le, Jocko ! » cria Bobby. Jocko obéit, et le bonhomme tomba droit dans le tablier de Bobby.

Bobby le regarda, la bouche du bonhomme trembla, les larmes coulèrent… Mais Bobby avait trop faim pour s’en soucier : il mordit une première fois, avala les jambes et un bout du corps.

« Oh ! » dit le bonhomme, « il ne reste plus qu’un tiers de moi ! »

Bobby mordit une deuxième fois, avala le reste du corps et les bras.

« Oh ! » dit le bonhomme, « il ne reste plus qu’un tiers de moi ! »

Bobby mordit une troisième fois, avala la tête.

« Oh ! » dit le bonhomme, « il ne reste plus rien de moi ! »

Et c’est ainsi que finit l’histoire.

La fin

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