Le Faux Col par H.C. Andersen
Le Faux Col
H.C. Andersen

Le Faux Col

H.C. Andersen
3 min

Il était une fois un gentilhomme raffiné, dont tous les biens se résumaient à un chausse-pied et un peigne : mais il avait les plus beaux faux cols du monde ; et c’est l’un de ces cols dont nous allons entendre l’histoire.

Il était si vieux qu’il commença à penser au mariage ; et il arriva qu’il fut lavé en compagnie d’une jarretière.

« Non ! » dit le col. « Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi mince et d’aussi fin, aussi doux et aussi soigné. Puis-je demander votre nom ? »

« Cela, je ne vous le dirai pas ! » répondit la jarretière.

« Où habitez-vous ? » demanda le col.

Mais la jarretière était si timide, si modeste, et trouva que c’était une question étrange à répondre.

« Vous êtes certainement une ceinture, » dit le col ; « c’est-à-dire une ceinture intérieure. Je vois bien que vous êtes à la fois utile et ornementale, ma chère demoiselle. »

« Je vous prierai de ne pas me parler, » dit la jarretière. « Je pense n’avoir donné aucune raison pour cela. »

« Oui ! Quand on est aussi belle que vous, » dit le col, « c’est raison suffisante. »

« Ne vous approchez pas autant de moi, je vous en prie ! » dit la jarretière. « Vous ressemblez tellement à ces messieurs. »

« Je suis aussi un gentilhomme, » dit le col. « J’ai un chausse-pied et un peigne. »

Mais ce n’était pas vrai, car c’était son maître qui les avait : mais il se vantait.

« Ne vous approchez pas autant de moi, » dit la jarretière : « Je n’y suis pas habituée. »

« Prude ! » s’exclama le col ; puis il fut sorti de la cuve de lavage. Il fut empesé, suspendu au dos d’une chaise au soleil, puis posé sur la couverture à repasser ; alors vint le fer chaud. « Chère dame ! » dit le col. « Chère veuve ! J’ai très chaud. Je suis tout changé. Je commence à me déplier. Vous allez me brûler un trou. Oh ! Je vous offre ma main. »

« Chiffon ! » dit le fer ; et passa fièrement sur le col : car elle s’imaginait être une locomotive, qui irait sur le chemin de fer et tirerait les wagons. « Chiffon ! » dit le fer.

Le col était un peu déchiré sur le bord, alors les grands ciseaux vinrent couper la partie déchirée. « Oh ! » dit le col. « Vous êtes certainement la première danseuse d’opéra. Comme vous pouvez bien étendre vos jambes ! C’est la performance la plus gracieuse que j’aie jamais vue. Personne ne peut vous imiter. »

« Je le sais, » dirent les ciseaux.

« Vous méritez d’être baronne, » dit le col. « Tout ce que j’ai, c’est un gentilhomme, un chausse-pied et un peigne. Si seulement j’avais la baronnie ! »

« Cherchez-vous ma main ? » dirent les ciseaux ; car elle était fâchée ; et sans plus attendre, elle le COUPA, et il fut condamné.

« Je vais maintenant être obligé de demander au peigne. C’est surprenant comme vous gardez bien vos dents, Mademoiselle, » dit le col. « N’avez-vous jamais pensé à être fiancée ? »

« Bien sûr ! vous pouvez en être sûr, » dit le peigne. « JE SUIS fiancée — au chausse-pied ! »

« Fiancée ! » s’exclama le col. Il n’y avait plus personne à courtiser, alors il la méprisa.

Le temps passa, puis le col arriva dans le coffre à chiffons du moulin à papier ; il y avait là une grande compagnie de chiffons, les fins d’un côté, les grossiers de l’autre, comme il se doit. Ils avaient tous beaucoup à dire, mais le col le plus ; car c’était un vrai vantard.

« J’ai eu tant de prétendantes ! » dit le col. « Je ne pouvais pas être en paix ! C’est vrai, j’ai toujours été un gentilhomme bien empesé ! J’avais à la fois un chausse-pied et un peigne, que je n’ai jamais utilisés ! Vous auriez dû me voir alors, vous auriez dû me voir quand je me couchais ! Je n’oublierai jamais MON PREMIER AMOUR — c’était une ceinture, si fine, si douce, si charmante, elle s’est jetée dans une cuve d’eau pour moi ! Il y avait aussi une veuve, qui est devenue brûlante, mais je l’ai laissée debout jusqu’à ce qu’elle redevienne noire ; il y avait aussi la première danseuse d’opéra, elle m’a donné cette coupure que je porte maintenant, elle était si féroce ! Mon propre peigne était amoureux de moi, elle a perdu toutes ses dents de chagrin ; oui, j’ai vu beaucoup de ce genre de choses ; mais je suis extrêmement désolé pour la jarretière — je veux dire la ceinture — qui est allée dans la cuve d’eau. J’ai beaucoup sur la conscience, je veux devenir du papier blanc ! »

Et ce fut ainsi, tous les chiffons furent transformés en papier blanc ; mais le col devint justement ce morceau de papier blanc que nous voyons ici, et sur lequel l’histoire est imprimée ; et c’est parce qu’il s’est tant vanté par la suite de ce qui ne lui était jamais arrivé.

Il serait bon pour nous de faire attention à ne pas agir de la même manière, car nous ne pouvons jamais savoir si, au fil du temps, nous ne finirons pas aussi dans le coffre à chiffons, à être transformés en papier blanc, et à voir toute l’histoire de notre vie imprimée dessus, même les plus secrètes, et être obligés de la raconter nous-mêmes, tout comme ce col.

La fin

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